Notre perception de la réalité repose sur une perception fragmentaire. Notre imagination reconstitue (ou fabrique) les éléments manquants. Compléter ce qui manque ou l’ellipse. Deux images forment une idée… et tout se passe dans le "caniveau", c'est-à-dire entre les deux images.

Si on vous demande ce qui s’est passé, il y a de fortes chances pour que vous disiez que le capitaine est tombé et pourtant vous ne l’avez pas vu tomber.

Pour Scott Mc Cloud, les images pourraient s’apparenter au vocabulaire de la bande dessinée et l’ellipse en serait la grammaire. La Bande Dessinée est une ellipse. L’auteur de BD reçoit la complicité d’un partenaire involontaire : le lecteur ! C’est lui qui va imaginer ce qui se passe entre les deux cases, la violence du coup par exemple.

L’enchaînement des cases peut être de plusieurs types :

  1. Moment à moment (peu de place pour l’ellipse)
  2. Action à action
  3. De sujet à sujet
  4. De scène à scène (implique un raisonnement déductif)
  5. De point de vue à point de vue
  6. Solution de continuité (cases juxtaposées sans rapport entre elles)

Moment à moment
Action à action

De sujet à sujet
De scène à scène

De point de vue à point de vue
Solution de continuité

Il semblerait qu’une grande, très grande majorité de la bande dessinée repose essentiellement sur les enchaînements suivants : Action à action, De sujet à sujet, De scène à scène

La catégorie « Moment à moment » implique de nombreuses images. « Point de vue à point de vue », aucun événement ne survient.

Dans la bande dessinée japonaise, on trouve une plus grande présence d’enchaînements « de moment à moment », même s’il ne s’agit, en réalité, que d’un faible pourcentage des enchaînements de cette BD. La plus grande différence est dans l’utilisation des transitions de « point de vue à point de vue ». Le temps semble être suspendu. Doit-on y voir un héritage culturel ? Une tradition d’art qui crée des labyrinthes… Ou tout simplement un coût d’impression inférieur qui permet la réalisation d’album avec un plus grand nombre de pages. En tout cas, une force de création d'ambiance.

 

La bande dessinée fonctionne plus par soustraction qu’addition. Trouver l’équilibre entre le trop peu et le trop. Autrement dit évaluer la capacité des lecteurs à construire cette ellipse.

Deux représentations d’un même enchaînement :

La seule différence est le choix du degré de réalité dans le dessin. Le dessin réaliste fixe les images, la fluidité de du mouvement est moindre. On a tendance à voir des images juxtaposées et non plus un enchaînement.

La bande dessinée pousse le lecteur à participer activement à sa lecture, à créer un sens avec ce qu’il voit et ce qu’il ne voit pas. La bande dessinée n’est pas un art hybride, un mélange de graphisme et littérature ; elle a bien sa spécificité.

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